Je tirerai quelques fils colorés et doux pour tisser une trame de soie sauvage.

J’ai grandi en Normandie au milieu de paysages vallonnés, de chemins creux et de bocages. J’ai passé une grande partie des petites vacances scolaires avec ma sœur, mes cousins et cousines dans leur ferme. Des journées entières dehors, par tous les temps, à crapahuter, à la recherche de terrains d’aventure toujours renouvelés. Je garde au fond de mes poches et dans un certain désordre, beaucoup de sensations et d’émotions de cette enfance de pleine liberté, plongée dans la nature et la complicité rieuse d’une bande d’enfants : l’émerveillement devant les fleurs de pommiers, l’odeur des pommes et du cidre, la saveur des noisettes, les bruits familiers de la ferme, les lits que l’on partage installés tête bêche, les courses à vélo, les corvées aussi avant de repartir, le toucher rugueux de l’écorce des arbres que nous escaladions, l’eau glacée des ruisseaux dans laquelle pourtant nous restions des heures à échafauder quelques barrages…

Ces origines rurales restent comme une empreinte. Lorsque je suis venue habiter le Cantal, dans cette vallée perdue et sauvage de Brezons, j’ai ressenti un univers familier. J’ai troqué la boue, la pluie et les collines de mon enfance,  contre la rudesse des hivers, la tourmente dans les estives, les montagnes rondes et douces, les crêtes vertigineuses, les cueillettes au fil des cascades ! Et j’ai gardé le gout des chemins de hasard et de curiosité. Cette marque de la nature comme un sceau se prolonge aujourd’hui dans ma manière d’appréhender le yoga. Un yoga qui se déplie, se déploie dans les sensations, l’évocation poétique. Le deuxième fil que je souhaiterais tirer concerne mon engagement auprès des autres. J’ai consacré ma vie professionnelle à m’intéresser aux phénomènes sociaux, sociétaux et à accompagner les intervenants sociaux. Aujourd’hui, j’exerce encore une activité de formatrice dans le champ social et je suis investie dans plusieurs associations à vocation sociale. Cette longue expérience dans l’aide aux personnes et dans les relations humaines teinte mon approche du yoga. L’enseignement du yoga y est ainsi articulé avec une attention humaniste, existentielle, relationnelle et holistique.

Les mains dans la terre à m’occuper du jardin, les escapades fréquentes à flairer le champignon ne m’éloignent pas longtemps d’un besoin que j’ai de comprendre, de chercher, de lire, d’échanger, de confronter…Mes dernières études en ethnologie et en sociologie ont aiguisé et outillé ma curiosité. Le yoga n’est donc pas seulement une pratique, il est aussi un domaine de recherche. Enfin, inscrite depuis plusieurs années dans une recherche personnelle et spirituelle, je ne peux envisager le yoga comme une simple activité. Je lui confère un caractère sacré. J’y convoque des rites, un univers symbolique, une dimension supérieure qui nous échappe.