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Confinement et yoga ?

Avec ma manie de cueillir les mots, je suis allée regarder le sens de confinement. Confinement[1] : participe surtout de l’idée d’enfermement d’abord dans le contexte pénal de l’emprisonnement (1579) puis dans celui de l’isolement d’un captif (XIXè). De nos jours, il indique surtout le fait d’enfermer et d’être enfermé dans certaines limites, concrètes ou, surtout abstraites. L’Etat d’urgence sanitaire décrété par le gouvernement le 17 mars dernier, pour lutter contre la propagation du Covid 19, se concrétise par une mesure « phare », celle du confinement. Il s’agit donc de rester chez soi, et de n’en sortir qu’à l’appui d’autorisations.

Les conditions du confinement sont extrêmement diverses selon les contextes de vie et les lieux géographiques. On peut vivre un confinement plus confortable si on vit en campagne, à la montagne comme c’est mon cas. Mais il est des conditions plus difficiles si on vit en ville dans un petit appartement ou en studio avec plusieurs personnes ou avec des enfants ou encore dans sa chambre en Ehpad. Le confinement produit donc dans une perspective de santé publique collective, une limitation des libertés individuelles notamment celle d’aller et venir librement. Cela conduit à un bouleversement complet dans nos vies : dans l’ordre de nos priorités, besoins, manières de consommer et de se lier les uns aux autres… Mais, on le lit partout dans la presse, beaucoup de personnes se sont adaptées et ont développé des modes de vie et des modalités de relation inédites. La créativité déborde de partout ainsi que la solidarité et la fraternité.

Ce qui m’intéresse ici c’est la manière dont chacun peut faire l’expérience du confinement. S’il est obligations, enfermement, limitations il est aussi l’occasion d’intériorité. Comme je le dis souvent au début de mes cours de yoga, nous sommes invités à habiter notre maison, notre temple intérieur.

Dans un temps qui semble s’être arrêté, où tous les jours peuvent se ressembler, où le cadre et l’horizon restent les mêmes, on est donc dans le face à face avec soi-même, confronté à ses possibles mais aussi à ses peurs et à ses limites. On pourrait comparer l’expérience du confinement à une retraite ou même à un jeûne et donc le vivre comme une épreuve, nous permettant d’aller, de descendre en soi, de se centrer, se rassembler, et, au final se régénérer. Mais le caractère imposé du confinement est sans doute une donnée qu’il convient de prendre en compte. Comme le souligne Jacques Vigne dans l’un de ses articles[2], la limitation de notre espace physique conduit à une accélération du mental, l’épreuve du confinement nous invite à lutter contre la dispersion, à nous apaiser. Nous procédons, poursuit-il à une recomposition extérieure vers l’intérieur.

Un autre message, qui apparemment a beaucoup circulé sur les réseaux sociaux,  de White Eagle de la nation hopi, exprime très bien, dans un contexte culturel toutefois très différent, cette expérience de l’épreuve du Soi. « Dans le chamanisme, il existe un rite de passage appelé la quête de la vision. Vous passez quelques jours seul dans la forêt, sans eau, sans nourriture, sans protection. En parcourant ce portail, vous obtenez une nouvelle vision du monde, car vous avez affronté vos peurs, vos difficultés… C’est ce qu’on vous demande. Laissez-les profiter de ce temps pour effectuer leurs rituels de recherche de vision.
Quel monde voulez-vous vous construire? Pour l’instant, voici ce que vous pouvez faire: la sérénité dans la tempête (…). Établissez une routine pour rencontrer le sacré tous les jours (…). »

Cette épreuve de confinement nous fait ainsi passer du ressentiment par rapport à une situation que nous n’avons pas choisi et dans laquelle nous ruminons, nous nous dispersons, à une situation dans laquelle nous nous recentrons, nous nous rassemblons. Comme dans toutes les épreuves, on en revient plus fort, riche, disponible, ouvert.  L’acceptation de nos limites nous dit Jacques Vigne nous fait découvrir que nous sommes sans limite.

Mais cela ne va pas de soi !  Il n’est pas si simple d’arrêter les ruminations et l’agitation ! Jacques Vigne parle de boîte à outils. La méditation en est une.

Le yoga en est une autre. Dans « le Yoga Sutra de Patanjali » l’un des textes les plus anciens sur le yoga, le yoga est défini comme « l’arrêt des mouvements du mental ». Il est très difficile de se faire une idée claire du sens du mot yoga car le champ sémantique est extrêmement large. Dans une acception courante le mot yoga signifie « joindre ». Il s’agit d’unir le corps, le mental et l’esprit (approche de l’école de Sivananda). Le yoga serait donc propice pour calmer le mental et ressentir une sorte d’unité, un état paisible, comme la tranquillité d’un petit lac de montagne. Nous en faisons l’expérience à travers la respiration qui nous permet de nous sentir respirer, vivant. La connexion avec nos sensations à travers les asanas (postures) et le pranayama (énergie qui se dégage grâce à la respiration) est un puissant levier pour ressentir cette tranquillité profonde et l’unité.

Le yoga peut donc nous aider dans cette épreuve du confinement. Il nous accompagne dans la découverte de notre liberté intérieure. Enfin, je pense aussi à celles et ceux qui ne sont pas confinés, qui ne peuvent pas être confinés. J’ai beaucoup de soignants qui participent à mes cours de yoga, et l’une d’entres  elles, m’écrivaient combien le travail pendant cette période était très pesant psychologiquement avec beaucoup de fatigue morale. Les pressions sont énormes et difficiles à gérer. Dans ces conditions, poursuivre une pratique de yoga devient difficile. Etre guidée à distance peut être alors aidant.

Lorsque j’ai du suspendre mes cours de yoga, je me suis interrogée sur la manière dont je pouvais être utile auprès des personnes qui avaient l’habitude de venir à mes cours. J’ai alors pris la décision d’utiliser mon blog pour y proposer des séances, des pratiques, des vidéos et des enregistrements audio… Je me suis toutefois posée la question de savoir si l’utilisation de ces médias et nouvelles technologies ne trahissaient pas l’esprit du yoga ? Le Docteur Ronald Steiner et Anna Trökes dans leur livre consacré au « Yoga perfectionnement[3] », rappellent les six obstacles sur la voie du yoga se référant au Hatha Yoga Pradipika[4] (texte datant du XVè qui codifie les postures de yoga) « il existe six obstacles à la pratique du yoga : une nourriture trop abondante, des efforts trop violents, les bavardages inutiles, une frugalité extrême, la fréquentation excessive des gens, l’inconsistance de l’esprit ». Et les deux auteurs commentent en soulignant que « le bavardage et les contacts trop fréquents avec les gens- aujourd’hui par le biais du chat et des réseaux sociaux-ont pour effet de disperser l’énergie ».

Alors il nous faut donc inventer quelque chose d’inédit face à cette situation elle-même inédite. Dépasser la tension entre le risque de dispersion de l’énergie par le recours très, (trop ?) fréquent aux nouvelles technologies, et l’intérêt, la préoccupation de transmettre et de soutenir, à distance,  les personnes confrontées à cette expérience de vie du confinement.

Je pense que c’est la façon dont on utilise les moyens de communication qui donne du sens. Est-ce qu’ils favorisent l’ancrage dans le corps, l’expérience du corps ressenti notamment avec le plaisir de respirer, ou bien, est-ce qu’ils renforcent le recours à l’activité mentale et la dispersion ?

Pour ma part, je suis attentive à encourager la première orientation.


[1] Dictionnaire historique de la langue française.

[2] Jacques Vigne. Du confinement à l’infini : méditation pour des temps d’épreuve ou l’utilisation de méditations guidées sur internet en période de confinement. Consultable sur www.jacquesvigne.com

[3] Dr Ronald Steiner et Anna Trökes. Yoga Perfectionnement. Postures, anatomie, symbolique. Editions la plage 2014.

[4] Hatha yoga pradipika, I, 15

1 commentaire

  1. Laurette Cadot

    11 avril 2020 at 10 h 50 min

    Merciiii Olivia,
    Silence et Unité… Je médite…
    Certes…. Mais parfois…
    Ton analyse, dans cette période particulière et ton accompagnement, ici même, par le « biais » des réseaux sociaux m’est important et me motive à la pratique pour les moments où il m’est difficile tant mon esprit vagabonde… :))) par exemple… Cela me permet de prendre davantage de recul, de me recentrer sur l’essentiel…sur la Vie :))) Tout simplement….ce Souffle si précieux qui est en nous.. :)))
    Merciii Olivia
    Je t’embrasse pour partager avec Dominique 😘
    Laurette

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