Le Yoga du Soir
Séquence yoga du soir
Je suis souvent questionnée par les pratiquants pour savoir ce qu’ils peuvent faire comme pratiques le soir. Ces questions sont associées à la préoccupation de se détendre, de mieux dormir. Selon son rythme de vie, on se sent plus disponible le matin ou le soir. Dans nos emplois du temps serrés, trouver un moment de calme, de respiration, sans être sollicité, avant de partir au travail le matin ou le soir en rentrant, n’est pas toujours très facile. On se laisse vite prendre par ce qu’il y a à faire à la maison : les repas, s’occuper des enfants, lire et répondre aux mails, des réunions, aussi, si on est engagé dans la vie associative et citoyenne…Il n’est pas nécessaire de pratiquer longuement le yoga mais ce qui est important c’est de pouvoir pratiquer tous les jours, si possible, même sur un temps court. L’inscrire dans son quotidien, dans ses rituels du matin ou du soir comme s’il faisait partie de notre vie. Et si on ne peut pas être aussi régulier, surtout ne pas en rajouter en culpabilisant ! On fait ce qu’on peut !
Donc pour une pratique le soir avec une visée de détente, de récupération. Voici une petite séquence simple (on peut la faire en totalité 40 minutes environ ou bien en partie seulement). Prévenir son entourage, lui signifier que c’est un temps pour soi. À vous de voir si vous avez besoin de vous isoler complètement ou bien si vous pouvez profiter de votre séance en restant baigné par les bruits de la maison. Dans tous les cas, installez-vous, comme en cours, confortablement : tapis, couverture, coussin. Vous pouvez également, si cela vous tente, allumer une bougie comme une présence, un témoin discret et lumineux de votre démarche. Faire brûler de l’encens si vous aimez ou mettre sur vos poignets ou sur le plexus solaire, ou en dessous des pieds, quelques gouttes d’huile essentielle (une huile essentielle qui vous parle, qui vous inspire la lavande vraie, mandarine sont des huiles apaisantes par exemple). Certains souhaiteront peut-être mettre de la musique, d’autres resteront dans le silence.
Vous pouvez démarrer par une assise en padmasana (lotus, ou demi-lotus), vajrasana (la posture du diamant assis dans la petite cuvette entre les talons) ou encore tout simplement en tailleur, ou adossé à un mur les jambes allongées. Prenez le temps de signifier à votre corps que vous passez à autre chose. Comme nous le faisons en cours, faire le chemin, pendant quelques minutes, se relier à l’espace-temps, apprivoiser, accueillir les sensations. Puis, vous vous rendez présent à votre respiration. Avec le regard intérieur, se mettre au bord des narines, sentir dans le toucher l’air qui entre à l’inspiration et l’air qui sort. La fraîcheur dans les narines à l’inspiration, le frottement de l’air, et la sensation de chaleur quand vous rejetez l’air à l’expiration. Puis vous accueillez le léger mouvement de votre corps dans cet aller et venir du souffle, dans ce flux et ce reflux, comme la mer, l’océan, de la respiration. Vous faites trois respirations. Au fur et à mesure, vous vous rendez présent à votre respiration. Vous savourez la respiration. Cela circule dans votre corps.
Mariasana et autres variantes. C’est-à-dire le chat, la souris, le tigre (chakrasana). Pour mariasana, se mettre dans la position d’un quadrupède, les jambes, genoux, pieds un peu écartés (écart bassin), les mains à l’aplomb des épaules, les bras tendus. Il faut se sentir bien campés, bien stables. À l’inspiration, on creuse le coccyx, le sacrum, les lombaires puis tout le dos, jusque dans la nuque. Lorsqu’on a un peu d’expérience, on peut suspendre le souffle, faire une rétention à plein (kumbaka) sans forcer bien sûr pour que cela reste fluide. À l’expiration, on va enrouler le bas du dos, coccyx, sacrum, lombaires et surtout pousser entre les omoplates. On fait le dos rond comme le chat. On pousse également le ventre vers la colonne. Même chose si l’on peut, on reste un moment dans une rétention à vide (kumbaka). Et puis cela continue, au fur et à mesure, on sent le mouvement de déployer davantage, le dos est de plus en plus mobile, et dans cet aller et venir, il y a quelque chose qui circule. On ressent beaucoup de plaisir dans cette pratique. On peut effectuer mariasana une dizaine de fois en se mettant bien dans sa respiration.
Puis on s’assoit sur les talons et on étire son dos, la tête entre les bras. On respire trois fois dans son dos, en faisant monter l’inspiration et redescendre l’expiration. Ensuite, on peut décaler les mains et les bras sur le côté droit tout en restant assis sur les talons (si gêne ou tensions, on peut placer un coussin, une couverture soit sous les chevilles ou entre les chevilles et les fesses). On va donc sentir un étirement profond à gauche, dans la charnière, dans les muscles qui bordent les côtes. On respire dans ce côté gauche, la partie gauche du thorax que l’on sent s’ouvrir de plus en plus à l’inspiration. On peut faire trois à cinq grandes respirations puis ensuite on revient au milieu et on déplace cette fois les mains et les bras sur la gauche et là c’est le côté droit que l’on sent s’étirer…On va respirer dans le côté droit du thorax. Même durée que pour le côté gauche. Puis on revient au milieu, le dos retrouve son axe et on se redresse. On reprend une assise, on prend une profonde inspiration pour accueillir et garder l’empreinte de la pratique, en fermant les yeux et à l’expiration on ouvre les yeux.


Ensuite, on peut alors faire une ou plusieurs torsions couchées. Les makarasanas, la série des crocodiles. Ces pratiques de torsions couchées assez simples à faire provoquent un essorage du corps, comme un linge que l’on tord. On en retire de l’énergie mais aussi beaucoup d’apaisement, de calme et d’équilibrage, entre notre côté lunaire à gauche (tha) et notre côté solaire à droite (ha). On s’allonge en savasana (la posture du cadavre). C’est une posture à part entière dans le hatha yoga et pas une posture de second ordre. On peut y accueillir, dans cette disponibilité au corps, les rémanences de la posture précédente. J’emprunte ce terme de « rémanences » à Willy Van Lysbeth, qui, lors d’un stage de yoga près de Montpellier, m’a fait découvrir tout un univers de sensations, grâce à ses propres ressentis. J’ai compris dans mon corps, que même après une posture, quelque chose continuait de se faire…comme une trace, ou une empreinte (pour reprendre cette fois les mots de Driss Benzouine).
On écoute en savasana son corps, les points de contact avec le sol, le chaud, le froid, les tensions s’il y en a. On dit que cette posture permet de faire l’expérience de la mort. J’y reviendrai plus tard. On fait quelques respirations puis, on retourne la paume des mains et on fait glisser sur le sol les mains et les bras à la hauteur des épaules. On a ainsi, le corps en croix ! On pose le talon du pied droit sur les orteils du pied gauche. On inspire et sur l’expiration, on tourne les deux pieds vers la gauche, la tête (doucement !) à droite. Pendant toute cette série de torsions couchées, les épaules et les omoplates restent au sol. On respire dans la roue du cœur, anahata, la couleur verte, on ferme les yeux et on s’installe. Puis on revient dans l’axe, et on tourne, cette fois, les pieds vers la droite, la tête à gauche.
Ensuite, en revenant dans l’axe on pose le pied, on relâche, on repositionne le dos, les épaules, les bras, les mains…on se rend présent, on accueille ce qui se passe dans le corps. Puis, on changera de pied…La deuxième torsion consiste a poser le pied droit au-dessus du genou de la jambe gauche. On inspire devant et à l’expiration, on va tourner le genou et la jambe droite vers la gauche en direction du sol, la tête à droite. On respire dans la roue du cœur et on s’installe. On relâche les jambes, et au fur et à mesure, on sent la torsion s’installer dans le corps et une grande détente. On peut aussi sentir le va et vient du ventre contre la cuisse, ce qui amène un massage des organes. Puis on ramène devant et on va laisser la jambe droite s’ouvrir et s’incliner vers le sol à droite, la tête à gauche. On sent alors une ouverture de la hanche.
On ramène devant, on pose, on relâche, on accueille et on remet bien le corps dans son axe. Puis on fait la torsion de l’autre côté avec la jambe gauche. La troisième torsion, consiste à fléchir les deux jambes, à les tendre à la verticale et à les incliner, puis les poser sur le sol à gauche, la tête à droite, le dessus de la main gauche sur les jambes. On détend, on laisse aller les jambes, les pieds. Si les jambes ne sont pas tendues, ce n’est pas grave, on peut les fléchir…On s’installe, on se met dans sa respiration. Et là, on se sent très bien, au bord du sommeil, dans un état méditatif. On peut avoir l’impression que le mental s’est dissous dans la pratique. On fait cela des deux côtés. On peut y rester le temps que l’on veut ou dont on dispose. On revient au milieu. On peut fléchir les jambes et les prendre dans ses bras pour remettre le dos et retrouver son axe. Selon la disponibilité et l’envie, l’énergie, on peut très bien ne faire qu’une ou deux torsions.

Pour terminer cette séquence du soir, on peut poursuivre avec une respiration yogi complète ou par nadischodana (la respiration alternée). La respiration yogi complète peut être appréhendée soit en une fois soit en la décomposant (d’abord la respiration abdominale, puis la respiration intercostale, la respiration claviculaire et enfin la respiration complète). C’est un pranayama très intéressant car cette pratique permet de se sentir respirer et de se détendre. On pose la main droite sur l’abdomen et la main gauche soit bien à plat soit sur la clavicule à gauche soit à droite. On inspire d’abord dans le ventre, on sent le ventre pousser la main puis le souffle va dans côtes qui s’ouvrent et se lèvent et enfin on laisse aller le souffle dans le haut du corps, dans les clavicules que l’on sent se lever légèrement sous les mains.
On s’attarde dans la fin de l’inspiration, dans l’expansion, l’ouverture puis aussi doucement que l’on a inspiré, on laisse le ventre redescendre, la main accompagne, les côtes se referment avec les mains et enfin les clavicules s’abaissent. Dans ce retrait du souffle, on le sent s’écouler jusqu’en bas. Tout se rassemble et se condense, tout au fond et puis ça repart…On peut faire ce pranayama cinq fois, lentement, profondément. Puis, ensuite on laisse faire la respiration, on ne la dirige plus et on accueille ce qui se passe. On n’a parfois que la respiration s’est ensuite absentée…On peut effectuer ce pranayama, assis ou allongé. Pour nadischodana (la respiration alternée) on est assis. On va sentir sa respiration aller et venir dans l’axe, le canal central que l’on nomme la shuchuna. On sent sa base sur le sol, sa colonne s’étirer, on laisse descendre les épaules mais la tête est dégagée vers le haut, le menton légèrement rentré.
On va placer, le majeur et l’index de la main droite à la racine du nez puis placer le pouce en contact avec la narine droite et l’annulaire en contact avec la narine gauche. On inspire par la narine droite, on bouche la gauche avec l’annulaire, puis on expire à gauche, en ouvrant la narine gauche et en bouchant la droite avec le pouce. Puis on inspire à gauche, on bouche à gauche, on expire à droite. On inspire à droite, on bouche à droite, on expire à gauche. On inspire à gauche, on bouche à gauche et on expire à droite et on continue…par cette pratique de respiration alternée, on équilibre les énergies gauche et droite, en mobilisant les canaux d’énergie ida et pingala. Ces deux canaux ( que l’on appelle des nadis) prennent leur source dans le chakra rane, mulhadara et se croise trois fois autour de la sushumna. Ensuite, si on a un peu d’expérience, on peut enlever la main droite et continuer comme si on poursuivait cette respiration alternée. Puis, au bout de quelques minutes, on respire normalement par les deux narines et à cet instant, on peut sentir effectivement que même en l’absence de la main droite, la respiration alternée se poursuivait notamment grâce à notre regard intérieur.
En cas de problèmes de sommeil, de réveils nocturnes, d’angoisses, on peut, allongé faire la respiration yogi complète, ou seulement abdominale. On peut aussi, placer une main sur le ventre et l’autre sur l’espace du cœur ; ainsi on va se rendre présent au ventre, ouvrir le plexus solaire souvent contracté, bloqué en cas de stresse et/ou d’angoisse et ouvrir son cœur.

